De par son contexte géographique, nombreux sont les employeurs souhaitant exercer une activité de l'autre côté de sa frontière.
De nombreuses démarches doivent être prises en considération, qu'elles soient relatives à l'activité de la société ou à son personnel.
Avant de pouvoir détacher du personnel, il est important de savoir si une entreprise peut librement prester une activité en dehors de son territoire, et quelles sont les démarches associées.
La libre prestation de services est l’une des quatre libertés fondamentales du traité des Communautés Européennes. Le prestataire (entreprise, artisan, indépendant, etc.) peut ainsi se rendre sur le territoire d’un autre Etat membre afin d’y fournir un service à caractère industriel, commercial, artisanal ou libéral, et peut alors être amené à détacher son personnel dans ce but.
La libre prestation de services est néanmoins soumise à un cadre légal déterminé et à un certain formalisme.
Il convient de se renseigner et suivre les prescriptions de l’Etat où est effectuée la prestation en matière d’obligation d’annonce préalable.
Dans le cadre de la directive 2006/123 du 12 décembre 2006, dite directive « services », des guichets uniques ont été créés dans chaque Etats membre, afin que les prestataires de services puissent obtenir simplement des informations claires sur les formalités à accomplir et qu’ils puissent accomplir toutes les formalités administratives par voie électronique.
Consultez la liste des guichets uniques européens sur ce lien!
Le détachement consiste en l’affectation temporaire par l’employeur d’un salarié :
Le détachement d’un salarié à l’étranger a des conséquences dans trois domaines particuliers :
La sécurité sociale : Quel est le pays dans lequel le salarié sera affilié au titre de la sécurité sociale et quelles sont les démarches devant être effectuées par l’employeur ? |
Le droit du travail: Quel sera le droit qui sera applicable au salarié pendant la durée de sa mission à l’étranger ? |
La fiscalité : Dans quel pays le salarié sera-t-il redevable de ses impôts ? |
Notez bien que les notions de « détachement » dans ces trois domaines sont indépendantes les unes des autres.
Un salarié peut être qualifié de détaché du point de vue de la sécurité sociale mais pas pour autant du point de vue de la fiscalité.
L’art. 3 de la Convention de Rome pose le principe de la liberté de choix de la loi applicable au contrat de travail : l’employeur et le salarié peuvent soumettre par exemple un contrat exécuté en France au droit Espagnol.
A défaut de choix par les parties, le contrat de travail est alors soumis à la loi de l’État où le travailleur accomplit habituellement son activité, et ce « même s’il est détaché à titre temporaire dans un autre pays »
Une directive européenne du 16 Décembre 1996 (directive 96/71) impose aux États membres d’assurer un «noyau de règles impératives de protection minimale» au bénéfice des travailleurs détachés sur leur territoire.
Ainsi, toute entreprise établie dans un État membre qui effectue une prestation de service sur le territoire d’un autre État membre et qui détache des travailleurs à cet effet doit respecter un ensemble de règles minimales en vigueur dans l’État d’accueil.
La directive 96/71 fixe une liste des matières qui sont concernées par cette protection minimale.
Sont visées les matières suivantes :
La durée du travail |
Le temps de repos et les congés payés |
La rémunération |
La sécurité, la santé et l’hygiène au travail |
L’égalité homme/femme |
Le principe de non-discrimination |
Depuis le 30 juillet 2020, la nouvelle Directive (UE) 2018/957 est entrée en application. Cette dernière vise à renforcer le "noyau dur" législatif applicable pendant la durée d'un détachement. Ainsi, le détachement - au sens droit du travail - est possible pour une durée de 12 mois (avec prolongation possible jusque 18 mois). Passé ce délai, le droit du travail du pays de destination s'applique dans son ensemble (exception pour les modalités de conclusions et de ruptures de contrat).
En pratique, cette directive va impacter deux aspects de la vie professionnelle pendant le détachement:
Détermination des Etats compétents |
Pour déterminer dans le cadre du détachement les conventions fiscales qui sont applicables, il est impératif de se référer à la convention fiscale conclue entre :
Exemple : si une entreprise située en Allemagne détache un résident français au Luxembourg, il faudra se référer à la convention fiscale franco-luxembourgeoise.
Un salarié est en principe imposable dans le pays dans lequel il exerce son activité.
Cependant, dans le cadre de détachement, le salarié peut rester imposable dans son pays de résidence pour la durée de détachement sous certaines conditions.
Pour déterminer quel Etat, à savoir l’État de résidence ou l’État d’envoi, va être compétent pour imposer les traitements et salaires perçus lors du détachement, il y a lieu d’étudier 3 critères:
Lorsque ces 3 conditions sont simultanément remplies, un salarié détaché reste imposable dans son pays de résidence.
Si l’une de ces conditions n’est pas remplie, c’est au contraire l’État où est détaché le salarié qui est compétent pour imposer les traitements et salaires issus de l’activité exercée sur son territoire.
Exemple : Un salarié, domicilié en France, est détaché au Luxembourg, par son employeur français, pour une mission de cinq mois (moins de 183 jours). Son salaire durant cette période reste payé et supporté par son employeur qui est une société française. Cette société ne dispose pas d’un établissement qui présenterait, au Luxembourg, les caractéristiques d’un «établissement stable». En application des termes de la convention franco-luxembourgeoise, ce salarié demeurera imposable en France sur les salaires perçus au titre de son activité au Luxembourg.
Décompte des 183 jours |
On prend en compte l’ensemble des séjours accomplis durant l’année civile, du jour où débute l’activité jusqu’au jour où elle s’achève. Cette durée comprend les week-ends ainsi que les jours fériés ou encore les interruptions de l’activité (voyages dans l’État d’origine du salarié ou dans les États tiers accomplis à titre professionnel ou à des fins strictement personnelles, interruption de l’activité en raison d’une maladie). Si le séjour chevauche deux années civiles, on ne retient que la fraction du séjour effectué pour chaque année pour déterminer si la limite des 183 jours est franchie sur l’une ou l’autre des deux années.
! La convention franco-luxembourgeoise déroge à ce principe : cette convention vise en effet non pas des durées de séjour, mais des durées de mission. Ainsi, si la durée de chaque mission ne dépasse pas 183 jours (peu importe que la durée totale des missions sur l’année dépasse 183 jours), le salarié détaché est imposé dans son État de résidence.
La convention germano-luxembourgeoise ne vise pas une durée de séjour de 183 jours sur l’année civile mais sur toute période de 12 mois.
Notion d'établissement stable |
Un établissement stable est une installation fixe d’affaire d’une entreprise sur le territoire d’un autre État par l’intermédiaire de laquelle cette entreprise exerce tout ou partie de son activité. La notion d’installation fixe d’affaire suppose la présence de locaux, machines ou outillage utilisés pour l’exercice de l’activité, ainsi qu’un établissement en un lieu précis, avec un certain degré de permanence.
Sont par exemple considérés comme «établissement stable» par de nombreuses conventions : siège de direction, succursale, bureau, usine, atelier, mine, chantiers d’une certaine durée qui varie selon les conventions, entrepôts (sauf s’il est démontré qu’il n’y existe aucune autre activité que celle de stockage).
Il convient par ailleurs de vérifier si le salarié détaché ne peut bénéficier d’un régime fiscal dérogatoire au regard de la convention fiscale applicable, notamment d’un éventuel régime fiscal dérogatoire des travailleurs frontaliers.